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G É N É R A T I O N ( S )     M E R C U R E

Lors de mon premier séjour aux Féroé, au début de l’année 2020, j’ai pu constater des problématiques sociales et environnementales assez singulières sur ce territoire d’à peine cinquante milles habitants. Ces îles isolées entre l’Islande et la Norvège sont le berceau d’une population en pleine mutation.

 

Tristement célèbre, pour sa tradition de chasse: le Grindadráp de globicéphales noir «globicephala melas», je me suis rendu compte qu’outre cette pratique (datant pour les premières traces du XVI ème siècle) encore justifiée mais à contrario voué à disparaitre est une des bases de l’Histoire de ce territoire. Les Féroé ont pendant plusieurs siècles été dépendants de cette viande et cette chasse est devenue au fil du temps une tradition synonyme de survie. Dans ce territoire extrême en hiver et les sources de nourriture étant rares, les Féroïens effectuaient leurs réserves de nourritures durant la période d’été avec de la viande de globicéphale, de dauphin, de mouton et de poisson qu’il font pour la majorité du temps fermenter afin de la conserver plus longtemps. Malheureusement des polémiques venant des pays étrangers sont venus tacher encore plus leur réputation suite à la chasse l’an dernier d’un groupe de 1428 dauphins à flanc blanc. Ce qui fait de ce Grind la plus grande chasse au dauphin de l’Histoire mondiale.

 

Autour de ce sujet une question alimentaire et écologique en découle: cette viande de globicéphale est la cause de plusieurs problèmes qui affectent de divers degrés la population de cet archipel. En effet elle est polluée au mercure (Hg) un métal lourd très toxique que l’on retrouve également dans la nature de façon fréquente mais à des niveaux de concentration très bas. La pollution de cette viande découle principalement des activités humaines via l’orpaillage utilisant le mercure comme séparateur ou diverses industries. Du haut de la chaine alimentaire, ce mammifère de presque une demi-tonne qu’est le globicéphale se nourrit fatalement de poissons déjà très légèrement pollués, il devient alors une éponge à mercure.

 

Cette constatation et ce lien avec cette viande a été prouvée par la génération 1986-87 avec les recherches Pál Weihe, un scientifique Féroïen qui suit et teste depuis 35 ans au travers du sang et des cheveux des habitants la concentration en mercure au sein de leur organisme. Encore aujourd’hui, il suit plus de 3 000 personnes aux Féroé (6% de la population). Grâce à ses recherches, il en est arrivé à la conclusion que cette viande n’est pas (ou n’est plus car on ne sait pas depuis quand elle l’est) bénéfique pour l’Homme et surtout qu’elle est très dangereuse pour les femmes enceintes et les enfants. Elle peut provoquer des malformations à la fois cardiaques mais aussi au niveau du système nerveux.

 

Sociologiquement, un déchirement dans la population se crée entre tradition ancrée et prise de conscience. Ses recherches et ses conclusions ont été, en effet, mal accueillies à l’époque. Cependant une prise de conscience a déjà été faite, les femmes enceintes n’en consomment plus, par conséquent les enfants non plus. La nouvelle génération grandit peu avec cette viande et l’idée de la chasser leur parait lointaine. Toutefois, en parallèle et de façon paradoxale, un nouveau mouvement apparait dans cette jeune génération qui prend en considération le fait de manger local avec une viande qui a vécu libre est éthiquement meilleur que de la viande importée par bateau et contaminé aux antibiotiques. D’un côté, les Féroïens ne dépendent plus de cette viande pour leur survie mais de l’autre elle reste ancrée dans les mœurs de chacun.

 

La volonté de ce sujet est d’informer une audience de façon neutre sur les aspects scientifiques, biologiques et sociaux de cette chasse qui nous apparait, avec les informations qui nous parviennent comme brutale, violente et mettant en danger d’extinction l’espèce chassée. Malheureusement beaucoup de choses sont à clarifier. D’un côté, les Féroïens ne sont pas transparents sur leur pratique de chasse mais de l’autre des activistes n’hésitent pas à montrer uniquement le côté violent avec souvent de la désinformation qui parvient jusque dans nos médias. Établir un portrait de cette pratique semble essentiel, en débattre et remettre en question notre perception ainsi que de nos habitudes alimentaires parait actuel dans la période que nous traversons.

EXTRAIT DE SERIE

Série toujours en cours de réalisation - Îles Féroé  (2020 - ?)

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